sTICKY sTORY, the prequel

Je suis plutôt du genre à ne pas me prendre la tête. Le genre de mec qui pense que facilité rime avec simplicité et efficacité. Il est vrai que la rime marche bien dans un texte de rap, dans la vraie vie, c’est une toute autre histoire. Mes potes m’appellent Sticky, un blaze qui cache une petite histoire ou plutôt une private joke. Je ne suis pas sûr que cela vaille la peine de la mentionner immédiatement. Quoiqu’il en soit, avoir un blaze c’est déjà quelque chose. Je suis né à Rouen et c’est ici que j’évolue depuis. Au lycée, tout le monde a un blaze, un pseudo. Si tu n’en as pas, cela veut dire que tu es transparent et que personne ne ne te connaît vraiment, tu es un peu hors du cercle.

Je n’ai jamais cherché à faire partie de ce cercle, le cercle des jeunes qui sortent en soirée (soirée = lieu pour se mettre une mine). Il tourne autour des trois principaux lycées du centre ville de Rouen, ou R.O.U.E.N. pour les rappeurs adeptes des acronymes même lorsqu’il n’y en a pas. Je disais donc que les membres du cercle ont tous un blaze : Toc-Toc, Turtle, Jimmy Branleur, L’Elfe, DJ Jul, Meskin, Mafrof ou Maf’, Mr Félé Félé… La liste est interminable mais je me rends compte également que les meufs du cercle n’ont pas de blaze. On les appelle gentiment par leur prénom. De toute façon, les meufs on aimerait bien s’en approcher mais ça reste assez difficile de vraiment les apprivoiser à cet âge là.

Sticky c’est le blaze, Rouen c’est la ville et la période c’est la fin des années 90. C’est ce que l’on appelle le Golden Age. Le Golden Age du Rap, le Golden Age de ma génération car chaque génération a sa période glorieuse, celle de l'adolescence et du début de l'indépendance. Cette période qui nous marque à vie, cette période pendant laquelle on essaie de s’affirmer, on fait des choix, on découvre la liberté, on la revendique, cette période où on côtoie l’amour pour la première fois, cette période où l’on découvre un sport, une musique, un art que l’on aimera toute sa vie : le Golden Age quoi !

Tout le monde a son Golden Age, quelle que soit sa génération. Mon Golden Age, ou plutôt le nôtre, est tout de même particulier. Le mouvement hip hop existait depuis une vingtaine d'années donc c’est plutôt la génération précédente qui a été précurseur. Cependant notre génération a vu l’explosion du mouvement et sa démocratisation. En France notamment, il s’agit d’une période ou toutes les bases du Rap on été réellement fondées. A l'époque, beaucoup pouvaient penser que ce mouvement serait éphémère, 30 ans plus tard force est de constater que le hip hop a investi un grand nombre des pans de la culture mondiale.

Les années 90 c’est aussi l’explosion de Michael Jordan, un mix entre une athlète hors norme et un marketing à outrance. Au cours de ces années, il y a la Dream Team puis les titres de champion des Bulls et par conséquent un essor international de la NBA, les droits TV voient leur prix atteindre des records. Jordan fait des dunks aériens, il a un des meilleurs hang time, il reste longtemps dans les airs, on l’appelle alors Air Jordan. Nike sort des baskets avec une semelle à air pour amortir les chocs. Tout se goupille parfaitement, on a droit à des Nike Air Jordan.

En tant que pur produit de ma génération, je suis donc membre d’une équipe de basket et d’un groupe de rap. Je pense que dans les deux cas, on peut parler d’esprit d’équipe, ou de crew. Je suis de cette génération influencée par l'impérialisme américain et les anglicismes commencent à être nombreux. Le groupe se transforme en crew, il s’agit d’une tendance de cette époque, les rappeurs s’associent en clan, en équipe, en crew, en posse. L’idée c’est que l’union fait la force et puis cela permet également d’avoir plusieurs styles de flow sur une même chanson. Chacun conservait pourtant son individualité même en faisant partie d’un crew. Ensuite chaque membre pouvait, si le succès de la team venait à décoller, sortir son projet solo. De nos jours, cela n’existe plus vraiment, c’est quasiment improbable d'étendre 6 ou 7 types poser sur le même son, c’était pourtant bien cool.

Les sTICKY sTORIES, c’est juste les histoires d’un gars parmi tant d’autres. Je ne suis pas le fer de lance de ma génération mais comme chacun des gars et des histoires que je me m'apprête à vous raconter, je suis représentatif de cette période. Je suis une sorte de témoignage de cette époque, cette époque dorée pour la culture hip-hop/basket : le Golden Age. So sit back, relax and enjoy.

#stickystory